Là sur les pavés, les autres agglutinés, face à la "beauté" illuminée d'une froide nuit d'hiver.  Ils marchent sans se soucier de la terre qui saigne pour ce noël incandescent, noël sur une rivière qui pu le polluant. Les autres sont là,  la foule comme une entité...inexistante. Quelques rapides bonjours, des "ça va?" sans détour. Magnifique fresque, représentation de nôtre société, sans douleur, sans froideur, sans mort, sans horreur. Toujours ces apparences, ces semblants d'appartenance, cette fresque magnifique qui donnerait envie de pleurer par sa beauté... Une fresque qui cache les crachats de fumées noires, un masque devant le visage du nauséabond... Et mes yeux qui pleurent ... A quoi bon ?

  °Je marche pieds nus dans une herbe verte, un vert presque bleu. Je sens chaque goutte de rosée glissée doucement sous mes pas, au loin j'aperçois un bel oiseau... Oui, c'est un corbeau... Ces plumes sont d'un noir profond et même d'ici je peux voir le doux reflet du ciel parcourir ses ailes. L'arbre sur ma gauche est tortueux. Il a des branches basses et grosses et solides. Me prends l'envie d'y grimper. Je sens le battement de sa sève maintenant, j'ai mis du temps ... toute la journée. C'est ici que je dormirais ... Je marche pieds nus dans l'herbe verte, et bientôt mes pas foulent le goudron. °

  Je marche, il fait flou autour de moi. Quelques rapides bonjours, des " ça va? " sans détour. Les sabots artificiels frappent les pavés, martèlent le goudron déjà abîmé. Une tâche sombre sur le sol que personne ne semble remarquer, un chapeau au milieu du trottoir, un clochard. Des odeurs de pain en spray accompagnent un tas ordonné de zombis affamés. La fourmilière grouille, tous se pressent à tout dépenser. Les billets volent au vent d'une main de passant à celle du marchand. Les voitures s'entassent, l'air s'encrasse. L'air s'encrasse, quelques rapides bonjours des "ça va? " sans détour, ma tête marche pieds nus dans l'herbe verte  mes doc. Martens condamnées à fouler  les pavés pétrolés.